Présentées la veille en conseil des ministres, par la ministre de la Transition écologique, les trois ordonnances de transposition du paquet "une énergie propre pour tous les Européens" ont été publiées ce 4 mars au Journal officiel. À leur origine un ensemble de huit directives et règlements regroupés sous le nom "paquet d’hiver" adoptés par le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen, fin 2018 et début 2019. La loi Énergie et Climat prévoit en effet le recours aux ordonnances pour mener à bien cette transposition technique, amorcée en juillet 2020, avec la publication de l’ordonnance n°2020-866 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de l’énergie et du climat (Ddadue). Ces trois ordonnances ont fait l’objet depuis plusieurs mois d’une large concertation avec les parties prenantes, qui se poursuit pour finaliser les textes d’application, indique le ministère. Et deux d’entre elles ont été soumises à consultation publique en novembre 2020 (ordonnance n° 2021-235) et en janvier dernier (ordonnance n° 2021-236).
L’ordonnance 2021-236 complète la transposition de la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, dite RED II (Renewable Energy Directive), et d'une partie de la directive (UE) 2019/944 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité, celle qui traite des communautés énergétiques citoyennes (CEC) et présente donc des "similitudes" avec les communautés d'énergie renouvelable (CER) instituées par RED II. Le reste de la directive (UE) 2019/944 fait l'objet d'une ordonnance séparée (n° 2021-237) relative au marché intérieur de l’électricité, qui intègre également des mesures d’adaptation du règlement (UE) 2019/943 éponyme. De même, le volet "durabilité et réduction des émissions de gaz à effet de serre des bioénergies" de RED II fait l'objet d'une autre ordonnance (n° 2021-235).
Énergies renouvelables citoyennes
La loi Énergie et Climat a esquissé le cadre permettant le développement des énergies renouvelables locales et citoyennes, en particulier à travers un travail de définition des communautés d’énergie. Une transposition que l’ordonnance n°2021-236 complète en regroupant dans un même titre les dispositions applicables aux communautés d'énergie renouvelable (RED II) et la notion plus large de communautés énergétiques citoyennes (directive marché intérieur). Le projet de loi Climat et Résilience, dont l’examen en commission spéciale à l'Assemblée débutera ce 8 mars, prévoit en outre de compléter la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour y inclure, une feuille de route pour "le développement de communautés d’énergie renouvelable et de communautés énergétiques citoyennes".
Un groupe de travail, lancé en février, a pour mission, d’ici la fin de l’année, "de préciser les dispositions spécifiquement applicables à ces communautés, qui feront l’objet d’un décret, et d’identifier les freins à lever pour le développement des projets énergétiques citoyens qui favorisent une meilleure acceptabilité des énergies renouvelables et dont les retombées locales sont très positives", précise le compte rendu du conseil des ministres. Les communautés énergétiques citoyennes fournissent un cadre favorable aux projets portés par des citoyens et des collectivités, en leur permettant de produire, consommer, stocker et vendre de l’énergie.
L'ordonnance harmonise également le cadre relatif au financement des projets d'énergie renouvelable par les citoyens et les collectivités, "en mettant en conformité le cadre applicable aux projets de production de biogaz avec le règlement (UE) 2017/1129 du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé, et en étendant ces dispositions aux projets de chaleur et de froid renouvelables", souligne le rapport l’accompagnant. Elle permet explicitement aux collectivités, leurs groupements, aux CER, ainsi qu'aux simples riverains, d'investir dans les énergies renouvelables, notamment par la prise de participation dans des sociétés de projet de développement d'énergies renouvelables locales.
Autoconsommation
En outre, l’ordonnance précise que le partage d'électricité produite au sein d'une communauté d'énergie (CER ou CEC) doit se faire via l'autoconsommation collective, et qu'une communauté peut être la personne morale organisatrice d'une telle opération. Le texte dispose aussi qu'une communauté puisse, sous certaines conditions, créer, gérer et détenir un réseau de chaleur ou de froid. Pour l’autoconsommation collective étendue (rayon de 20 km), l'ordonnance propose que les points d'injection et de soutirage des projets ne soient plus limités au réseau basse tension mais puissent être sur le réseau public de distribution (réseau basse tension et moyenne tension). Elle supprime le caractère expérimental de l'autoconsommation collective, étant donné que la loi Énergie et Climat redéfinit l'autoconsommation collective et a défini l'autoconsommation collective étendue, de manière pérenne. Le texte modifie la définition de l'autoconsommation individuelle, afin que l'opérateur d'une infrastructure de recharge ouverte au public pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables qui s'approvisionne en tout ou partie, pour les besoins de son activité, auprès d'une installation de production d'électricité qu'il exploite située sur le même site, soit considéré comme un autoconsommateur d’électricité.
Régime des garanties d’origine
Cette ordonnance complète par ailleurs les dispositions relatives aux garanties d’origine, associées à la production d’énergie. Tout d’abord afin de permettre l'émission de garanties d'origine de l'électricité produite, quelle que soit la source d'énergie primaire (renouvelable ou non). "Cette disposition ne remet pas en question le dispositif des garanties d'origine de l'électricité renouvelable mais le complète, sans risque de confusion sur la nature (renouvelable ou non) de l'électricité produite, afin de permettre une information plus fiable et plus transparente pour les consommateurs", relève le rapport. "En effet, seules les garanties d'origine de l'électricité produite à partir de sources renouvelables seront en mesure de certifier des offres d'électricité dites 'vertes', comme c'est déjà le cas actuellement", insiste-t-il. Autre nouveauté, les groupements de communes hébergeant un projet d'énergie renouvelable sur leur territoire pourront désormais bénéficier des garanties d’origine associées à ce projet, y compris s'ils bénéficient d'un soutien public. Une faculté réservée jusqu'ici aux seules communes. La mise en oeuvre en est aussi simplifiée.
L’entrée en vigueur de ces dispositions est "très attendue par les acteurs du secteur", souligne le ministère, notamment la possibilité pour les producteurs d’énergie renouvelable bénéficiant d’un soutien public de bénéficier d’un droit de priorité sur l’achat des garanties d’origine issues de leurs installations, avant ou après leur mise aux enchères par l’État. Ces dispositions sont reprises par le texte pour les garanties d'origine du biogaz injecté dans le réseau de gaz naturel. L’ordonnance permet également d'inclure dans le dispositif les autoconsommateurs d’électricité d'origine renouvelable - et ce même lorsqu'ils bénéficient d'un soutien public -, sans que ces garanties d'origine puissent être vendues. Enfin, elle transpose les nouveaux objectifs de part des biocarburants et biogaz avancés dans le secteur des transports prévus par la directive pour 2022, 2025 et 2030.
Exigence de durabilité des bioénergies
L’ordonnance n° 2021-235 soumet quant à elle l’ensemble des installations de production de bioénergies aux exigences de durabilité et de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Cette notion de durabilité de la biomasse est apparue en 2009 avec une première directive relative aux énergies renouvelables (RED I) appliquée exclusivement aux biocarburants et déclinée en droit interne par l’ordonnance n° 2011-1105 du 14 septembre 2011. En dehors du secteur du transport, les autres filières bioénergétiques, à savoir la production de biogaz, d'électricité de chaleur et de froid à partir de combustibles solides ou gazeux issus de biomasse, sont désormais soumises à des exigences de même nature (RED II). Pour être comptabilisées dans les objectifs des États membres en matière d’énergies renouvelables, et aussi, être admissibles à une aide financière, elles devront ainsi respecter des critères de durabilité (protection de la biodiversité, des terres présentant un important stock de carbone ou des tourbières, gestion durable des forêts etc.) et de réduction des émissions de GES par rapport à un combustible fossile de référence. Au-delà de l’enjeu statistique (rapporter au niveau européen l'ensemble de la production d'énergie à partir de biomasse), il s’agit donc "de garantir le niveau d’exigence environnementale de la production d’énergie renouvelable à partir de biomasse dans l’UE", insiste le ministère. Des critères dérogatoires pourront être établis dans les territoires d’outre-mer. L’ordonnance définit également le cadre du contrôle et les conditions d’une traçabilité que devront mettre en place les opérateurs, notamment dans le cadre de la conditionnalité instaurée sur les aides financières.
Marché de l’électricité
Dernière de la série, l'ordonnance n° 2021-237 modifie plusieurs dispositions du code de la consommation et du code de l’énergie afin de renforcer l’information des consommateurs, sur le contenu des contrats et factures, pour prévoir l'information des clients en cas de modification contractuelle relative à la détermination du prix, et l’effectivité du droit à changer de fournisseur. Actuellement, le délai de changement de fournisseur est déjà, en pratique, d’un jour pour les consommateurs desservis par Enedis. Ces nouvelles dispositions permettent donc d’étendre cette pratique à l’ensemble des consommateurs, et notamment ceux desservis par les entreprises locales de distribution (ELD). Le texte ne prévoit une obligation de proposer une offre de fourniture d’électricité à tarification dynamique (reflétant les variations de prix sur les marchés) que pour les fournisseurs d’électricité assurant l’approvisionnement de plus de 200.000 clients. Dans ces conditions, les clients équipés d’un compteur intelligent situés sur le territoire d’une ELD approvisionnant moins de 200.000 clients "pourraient donc ne pas avoir accès à ce type d’offres", relève la Commission de régulation de l’énergie (CRE) dans son avis daté du 17 décembre 2020. L'ordonnance permet également de simplifier le cadre applicable à la compensation des fournisseurs lors de l’activation d’effacements valorisés sur les marchés de l'énergie ou sur le mécanisme d'ajustement. Elle supprime en particulier le régime de versement dérogatoire pour les effacements "qui conduisent à des économies d'énergie significatives". Le recours aux leviers de la flexibilité pour l’exploitation des réseaux électriques est lui aussi facilité.
Plan de développement de réseau
Le texte introduit l'obligation pour les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) de réaliser un plan d'investissement, sur le modèle du schéma décennal réalisé par le gestionnaire du réseau de transport. L’accent étant mis, en particulier, "sur les principales infrastructures de distribution nécessaires pour raccorder les nouvelles capacités de production et les nouvelles charges, y compris les points de recharge des véhicules électriques". Ce plan tient compte "des programmes prévisionnels établis par les conférences départementales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales". Pour son élaboration, le GRD doit consulter tous les utilisateurs du réseau concernés, les autorités concédantes de la distribution publique d’électricité (AODE) ainsi que les gestionnaires de réseau de transport concernés. L'obligation de réaliser un tel plan ne s’applique pas aux GRD desservant moins de 100.000 clients connectés et ne s’applique dans les zones non interconnectées que si la PPE le prévoit. D’autres mesures sont introduites pour favoriser le développement du stockage ainsi que l'interdiction, pour les gestionnaires des réseaux publics, de détenir des installations de stockage, sauf dans des cas bien précis. Le texte prévoit aussi l'extension aux réseaux fermés de distribution de toutes les obligations des réseaux publics, sauf exceptions qui devront être accordées par la CRE.
Sécurité d'approvisionnement
Autre objet abordé par l'ordonnance : la mise en conformité des dispositions du code de l’énergie relatives à la sécurité d'approvisionnement avec celles inscrites dans le règlement (UE) n° 2019/943, notamment afin de permettre une suspension du mécanisme de capacité, qui vise à assurer la sécurité d’approvisionnement électrique lors des périodes de pointe, lorsqu’aucune difficulté d’adéquation des ressources n’a été identifiée. Et l'exclusion progressive de la participation à ce dispositif des installations de production les plus polluantes, jusqu’à une exclusion totale à compter de 2025.
Mobilité électrique
L’ordonnance introduit une nouvelle disposition dans le code de l’énergie (article L. 353-7) quant au rôle des gestionnaires de réseaux de distribution vis-à-vis de l’intégration de l’électromobilité dans le réseau électrique. Cet article précise notamment que les GRD ne peuvent pas posséder, développer ou exploiter des bornes de recharge pour véhicules électriques, sauf pour leur propre usage. Elle recodifie par ailleurs une partie des dispositions de la loi d'orientation des mobilités (LOM) pour créer un chapitre dédié à la recharge des véhicules électriques dans le code de l’énergie.
L’ordonnance entrera en vigueur le lendemain de sa publication, ce 5 mars. En revanche, pour les deux autres ordonnances la date est reportée au 1er juillet prochain.
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