Avec le ralentissement de la croissance de leurs recettes et le maintien d'une inflation élevée, les départements vont avoir tendance à s'endetter davantage à partir de cette année, afin de poursuivre le financement de leurs programmes d'investissements, estime l'agence de notation Fitch.
Une augmentation de la "dette nette" "de 15% à 50% entre 2022 et 2026" : c'est ce que prévoit Fitch pour les départements des Bouches-du-Rhône, de l'Essonne, de la Manche, du Puy-de-Dôme et du Val-d'Oise, dont elle assure la notation. Pour les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie, qui sont également notés par l'agence, le recours à la dette serait plus faible.
Les dépenses d'investissement des départements concernés devraient rester "soutenues" jusqu'en 2026, celles-ci devant représenter "plus de 20% des dépenses totales moyennes". Mais elles seront financées par une capacité d'autofinancement (différence entre les recettes de fonctionnement et les dépenses de fonctionnement) qui tendra à baisser "à moyen terme". La dégradation du marché immobilier liée à la remontée des taux d'intérêt expliquera une partie de cette évolution. Elle devrait porter un coup aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui sont attendus en baisse "en 2023-2024".
Recettes dépendantes de la conjoncture économique
Les DMTO constituent évidemment une recette volatile. Leur produit avait par exemple diminué de 18% entre 2011 et 2014 (si l'on neutralise les augmentations de taux décidées par de nombreux départements), avant de connaître une nette reprise (+18% entre 2014 et 2016). Or cette recette a pris une part prépondérante dans de nombreux budgets départementaux : en 2021, elle représentait 15% des recettes de fonctionnement du département du Puy-de-Dôme, et même 39% de celles du département de la Haute-Savoie.
Autre recette fiscale très importante pour les budgets analysés par Fitch (puisque équivalant à 30% de leurs recettes de fonctionnement en 2023), la TVA connaîtrait, elle, une croissance comprise entre 2% et 4,5% par an entre 2023 et 2026.
Les départements ne pourront pas accroître leurs recettes fiscales comme ils pouvaient le faire lorsqu'ils bénéficiaient de la taxe foncière sur les propriétés bâties : en remplaçant cette ressource par une fraction de TVA, la réforme de la fiscalité locale les a privés du dernier levier fiscal d'importance qu'ils conservaient.
Hausse du coût des prestations sociales
De leur côté, les dépenses de fonctionnement devraient rester soutenues, du fait de l'inflation (notamment énergétique) et du relèvement, en juillet 2022, de 3,5% du point d'indice de la fonction publique. Les dépenses consacrées aux allocations individuelles de solidarité, telles que le RSA, devraient être aussi orientées à la hausse. Avec la dégradation de la conjoncture économique, le nombre de demandeurs est, en effet, attendu en progression à partir de 2023. Et ce d'autant que les décisions gouvernementales fixant les prestations sociales laissent peu, voire pas de possibilité d'ajustement par les départements, fait remarquer Fitch. L'agence de notation s'attend toutefois à ce que le gouvernement "continue à soutenir les départements" si ceux-ci devaient être "confrontés à une augmentation soutenue des dépenses sociales".
En cas de difficultés financières, les départements disposent d'une certaine flexibilité pour réduire les dépenses d'investissement : "ils peuvent retarder ou réduire certains projets si nécessaire", observe en outre Fitch.
Si les nuages ont commencé à s'amonceler dès 2022, le bilan budgétaire de l'année dernière, pour les départements, n'est pas mauvais. Les marges de manœuvre de cinq départements notés par Fitch (Bouches-du-Rhône, Essonne, Puy-de-Dôme, Savoie, Haute-Savoie) ont progressé, selon des données encore provisoires. "Les recettes ont été tirées par une forte croissance de la TVA pour tous les départements (+10% environ) et par une hausse persistante des droits de mutation à titre onéreux", détaille l'agence. En outre, les effets de l'inflation ont été atténués par "la diminution" des dépenses de prestations sociales, liée à la baisse du nombre des allocataires. Reste que ce constat n'est pas général : la Manche et le Val-d'Oise ont ainsi vu leur capacité d'autofinancement reculer, "en raison d'une hausse importante des dépenses de fonctionnement et d'une baisse des droits de mutation".
Les sept départements notés par Fitch ont des notes qui les classent dans la catégorie "AA".
ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFoo56rXZmysa3RrZymnZ6pwG6wxK%2BpmqGVo8Fuws6iqWaklaq%2FtHnMmqmgnaNisaZ5zJqlqJ2lq7%2BmedGeq6udk56%2FbrHNZmlpamM%3D